L'évaluation d'entreprise est un domaine complexe qui requiert une compréhension approfondie de la finance, de la comptabilité, de la stratégie, du droit et de la fiscalité. Synthétiser ces différentes dimensions, souvent au travers d'un business plan, est essentiel. L'évaluation peut être perçue comme alliant technique objective et ressenti subjectif, et il est crucial de comprendre que la valeur d'une entreprise n'est pas une donnée unique et figée. Ce n'est que le prix de transaction, issu de la négociation entre acheteur et vendeur, qui constitue une réalité concrète.
Historiquement, l'évaluation reposait majoritairement sur l'analyse des chiffres comptables et financiers. Les méthodes traditionnelles vont des approches basées sur les données passées aux formules se projetant sur le potentiel futur. Parmi les méthodes reconnues figurent les approches patrimoniales, les méthodes analogiques (via les multiples) et les méthodes actuarielles (basées sur l'actualisation de flux, comme le DCF ou les dividendes actualisés). La méthode DCF (Discounted Cash Flow) est souvent considérée comme la plus robuste sur le plan théorique pour approcher la valeur fondamentale, bien qu'elle soit fortement influencée par les paramètres choisis.
Cependant, le monde des affaires évolue. Pour appréhender pleinement la performance globale d'une entreprise, l'évaluation doit désormais intégrer des indicateurs extra-financiers en complément des seuls éléments comptables et financiers. Une part significative d'investisseurs institutionnels se montrent particulièrement attentifs à ces facteurs.
Que recouvrent les indicateurs extra-financiers ou ESG ?
Ces indicateurs extra-financiers sont souvent regroupés sous l'acronyme ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Un autre terme couramment utilisé est celui de capital immatériel, qui désigne les éléments non explicitement inscrits au bilan traditionnel mais qui contribuent significativement au développement futur de l'entreprise.
Les critères extra-financiers particulièrement pertinents incluent :
- La qualité de la gouvernance.
- La gestion des ressources humaines.
- Les actions en faveur de l'environnement.
De manière plus détaillée, le concept de capital immatériel peut être décomposé en trois catégories principales :
- Le capital humain : Il englobe les connaissances, les compétences et l'expérience des employés. C'est la capacité de l'entreprise à créer et maintenir sa valeur grâce à son attractivité pour les talents, à sa politique de fidélisation, à la qualité de son management et à son potentiel d'innovation pour développer de nouveaux produits ou services.
- Le capital structurel interne : Cela comprend des éléments tels que la marque, l'organisation interne (méthodes, procédures, systèmes d'information, R&D). Une marque forte, par exemple, aide à se différencier et à attirer des employés. L'organisation interne est aussi étroitement liée à la gouvernance et aux processus de décision stratégique.
- Le capital relationnel externe : Il s'agit du capital client, de l'offre de services, des réseaux, des relations avec les partenaires, de l'image, de la notoriété, de la réputation, ou encore de la notation financière et des relations bancaires.
Il est important de noter que ces éléments ne sont pas toujours acquis à titre onéreux, mais sont souvent développés en interne. Leur évaluation individuelle est d'ailleurs complexe en raison des synergies importantes qui existent entre eux. Le goodwill est une notion qui tend à englober l'ensemble de ces éléments difficilement dissociables.
Pourquoi l'importance croissante des critères ESG ?
Le contexte économique a profondément changé. Les crises financières ont mis en évidence les limites des indicateurs purement financiers pour anticiper certains risques d'entreprise.
Dans ce contexte, l'émergence du reporting extra-financier (comme le reporting ESG, notamment pour les sociétés cotées suite à des lois comme la loi NRE ou Grenelle II en France) a contribué à renforcer l'analyse de ces critères non financiers. L'expression "évaluation responsable" suggère un retour aux principes fondamentaux de la finance et de l'économie, reconnaissant que les fluctuations excessives du marché peuvent être intrinsèques à son fonctionnement.
L'intégration de l'ESG dans l'Évaluation:
L'analyse de facteurs clés tels que le personnel, les ressources financières, les moyens de production, les matières premières et le marché (souvent résumés par les "5 M") est au cœur du diagnostic stratégique et financier préliminaire à toute évaluation. Un diagnostic économique détaillé permet de comprendre le modèle d'affaires d'une entreprise du point de vue stratégique et financier, incluant l'analyse de son environnement (marché, concurrents) et de ses caractéristiques internes.
Le modèle d'affaires décrit la stratégie de l'entreprise et explique comment elle génère et répartit revenus, profits et valeur. Sa qualité dépend notamment de l'expérience des dirigeants et du secteur d'activité.
Dans le cadre d'une approche prospective comme le DCF, la première phase consiste à analyser l'entreprise et son environnement pour identifier les facteurs clés de performance et les moteurs de la création de valeur. Une bonne compréhension du modèle d'affaires et de ces leviers (internes ou externes) est fondamentale pour construire un business plan réaliste.
Bien qu'il soit difficile de leur attribuer une valeur monétaire isolée, la qualité de ces facteurs intangibles (qui se recoupent largement avec les critères ESG) a une influence durable sur la performance et le potentiel de croissance future de l'entreprise.
L'Évaluation, un Art Multicritère
Il n'existe pas de modèle unique capable de déterminer une seule "vraie" valeur pour une entreprise. Aucune méthode n'est parfaite, mais chacune apporte un éclairage différent. C'est pourquoi l'évaluation doit adopter une approche multicritère.
Le processus d'évaluation typique inclut la collecte d'informations (qui peut comprendre des études sectorielles et des notes d'analystes intégrant de plus en plus les aspects ESG), la réalisation d'un diagnostic économique et financier, et le choix des méthodes appropriées. Le diagnostic stratégique, basé sur le modèle d'affaires, est crucial pour orienter ce choix.
En conclusion, l'évaluation d'entreprise, loin d'être une simple application de formules, est une activité complexe et dynamique. Elle doit impérativement prendre en compte les dimensions extra-financières, qui gagnent en importance pour les investisseurs et sont révélatrices de la capacité d'une entreprise à créer de la valeur sur le long terme. C'est un "art" qui demande un large éventail de connaissances, une analyse fine des facteurs tangibles et intangibles, et une bonne dose d'humilité face à la complexité de la valeur.